De la place de la langue dans nos communications

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Une des belles choses qu’Internet a apporté — ou tenté d’apporter parce que certains y mettent des barrières virtuelles [1] — est la relative abolition des frontières. Il est devenu facile de communiquer avec des gens de tous pays ou presque, de partager des œuvres, de s’informer, ou encore de travailler ensemble à des milliers de kilomètres de distance. Le moyen de communication le plus utilisé est sans aucun doute l’écrit.

Quand on écrit quelque chose et qu’on le diffuse sur Internet, que ce soit un article sur un blog, de la documentation pour un logiciel, une information à communiquer, ou tout autre document public, on souhaite souvent que sa diffusion soit la plus large possible. Or à notre époque si on veut être lu, il faut adopter la culture de l’internet, publier sur les sites/réseaux en vue de l’internet et utiliser la langue de l’internet.

— la langue de l’internet ? Quelle langue de l’internet ?

— l’anglais bien sûr ! si tu veux être lu, point de salut, c’est l’anglais ou l’indifférence

— mais ceux qui ne parlent pas anglais ?

— pas anglais ? Allons allons, un peu de sérieux, tout le monde parle anglais de nos jours !

Oserais-je avancer le contraire ? Après tout il y a une commodité certaine à utiliser une langue commune, voire n’ayons pas peur des mots, universelle. Pourquoi s’embêter à traduire les choses, à rédiger plusieurs fois, à prendre du temps quand tout doit aller tellement vite ?

Eh bien osons ! Non tout le monde ne parle pas anglais, et osons même plus : il y a énormément de gens qui ne le parlent pas, ou très mal. Oui bien sûr il y a ce couple d’une autre époque, trop vieux pour avoir appris, et cet autre là, plus jeune, mais issu d’un lieu et d’un temps où l’anglais n’était pas bien vu. Ah mais attendez ! Il y aussi ce jeune là, qui n’a jamais trop bougé de sa campagne, et cet autre là qui vient d’un pays où il est peu courant de le parler, celui-là qui vient pourtant d’une grande capitale d’Europe (ce n’est pas la langue de l’Europe ?), et cet autre encore…

Même pour ceux qui le parlent, pour ceux-là, tout n’est pas si simple. Oui bien sûr il y a les « natifs », ceux dont c’est la langue maternelle, et puis il y a ceux qui ont eu les moyens de voyager, la chance d’avoir une éducation ou qui sont simplement doués pour ça. Mais même de ceux-là, combien sont capables de s’exprimer avec autant d’aisance, avec autant de nuances que dans leur langue maternelle ?

Oh, et bien entendu je fais l’impasse sur la culture que la langue véhicule, sur l’influence exacerbée des auteurs anglophones, et sur l’isolation des autres.

Accepter la domination de quelques langues ce n’est pas seulement refuser l’accessibilité ; c’est tuer la diversité et avant tout formater notre façon de penser.

Parlons maintenant un peu plus technique

Quand on écrit un message dans un système de discussion, il est possible de l'« étiqueter » avec des informations (les métadonnées) et en particulier de préciser la langue dans lequel il est rédigé. Cette information est disponible naturellement avec le protocole XMPP, et il est même prévu d’envoyer un message en plusieurs langues simultanément.

Cette propriété est à mon sens essentielle et complètement sous-exploitée dans les logiciels actuels. Pourtant, elle peut être extrêmement utile : un salon de discussion peut être multilingue (les gens n’ayant que les messages dans une langue qu’ils comprennent), un système de conversation (contact d’association, support technique, demande quelconque) peut être dirigé directement vers une personne parlant la langue idoine, une traduction peut être demandée pour un message important, un programme électronique (ou « bot ») peut envoyer des messages dans plusieurs langues à la fois, les règles typographiques peuvent être adaptées, etc.

Ces informations sont désormais utilisées dans « Salut à Toi ». Un greffon expérimental permet même de détecter la langue utilisée automatiquement [2] si celle-ci n’est pas explicitement spécifiée ; ainsi dans un salon multilingue, il est possible de passer du français à l’anglais sans devoir le préciser manuellement à chaque fois.

Ci-dessous une petite animation de la détection d’un texte en plusieurs langues, puis de l’utilisation d’un filtre pour n’afficher que l’une d’entre elles.

filtrage par langue dans Primitivus

Ce n’est qu’un premier pas, il y a beaucoup de choses envisageables pour permettre aux gens de s’exprimer dans la langue qu’ils maîtrisent le mieux, et bien sûr en dehors de la messagerie instantanée également (pour le blog par exemple).

Ah, et puisque vous le demandez, non SàT n’utilisera pas de drapeaux pour les langues, ceux souvent utilisés à cette fin étant des symboles de pays et non de langues.


[1]grand « firewall » de Chine, vidéo ou autre visible uniquement depuis certains pays, blocage de sites, etc

[2]greffon basé sur langid.py, les résultats sont corrects mais pas parfaits, il y a toutefois des améliorations envisageables