On en est là

goffi 14 years ago humeur extrait de vie oz

Perth samedi matin. La nuit a été courte. Je viens de laisser Cat qui m'a hébergé pendant près d'une semaine; et mon van garé à vingt minute du centre, là où les places sont gratuites, je me dirige vers la ville.

Putain qu'il fait froid: 1°C d'après Cat, ils n'ont jamais vu ça. Quand je pense que j'écrivais 2 jours plus tôt que j'étais en chemisette la journée, aujourd'hui mon pull me parait bien léger.

La marche est agréable, je croise les nombreux cyclistes et joggeurs, cherchant toujours à comprendre ce qui peut pousser ces gens à sortir de leur lit pour courir dans le vide. Le soleil est bien là, et tente de raviver mon sang, au point que j'en arrive bientôt à pouvoir sortir les mains de mes poches. La bibliothèque n'ouvrira pas avant 1 heure, je peux prendre mon temps. Ah les gratte-ciels, j'arrive dans le centre. Quelques cris se font entendre au loin: tiens, inhabituel. Mes pas hésitent mais finalement la curiosité l'emporte. Oh un attroupement, quelques policiers. Non, je ne peux pas y croire, enfin une vraie manif en Australie ? J'accélère le pas avec une certaine excitation, Perth me réserve peut-être des surprises.

Mais je déchante vite en voyant une foule bien sagement rangée derrière des barrières en plastique, et il ne faut pas longtemps pour comprendre la tragédie qui se passe. Non ce n'est pas pour lutter contre une quelconque réforme ou défendre les droits de qui que ce soit, non ce n'est pas non plus pour célébrer une victoire à un sport, chose qui malgré le patriotisme puant qu'on y trouve souvent, a au moins le mérite d'apporter une fête populaire. Non c'est autre chose.

Une vitre sépare la foule des employés en uniformes, et une galvanisation est bien visible: les cris viennent des uniformes. Les caméras sont là, ils ont réussi leur coup. Cette nouvelle façon de promouvoir à moindre frais leurs produits en lui donnant une image de grand évènement est à la mode depuis quelques années, et on ne peut que pleurer en voyant à quel point c'est efficace. Le décompte est lancé, 5, 4, un sourire factice est visible sur la face des uniformes, 3, 2 un grand cri, l'entreprise fruitière hype du moment ouvre ses portes, des gens se sont levés par ce froid pour ça (ce qui relativise tout d'un coup l'équilibre mental des coureurs).

Ce qui me fait le plus mal, ce n'est même pas que des gens suivent la mode pour un produit qui, non content de ne rien apporter de neuf, est surtout là pour diminuer les libertés. Ce n'est malheureusement pas une chose dont on parle énormément en dehors de certains milieux, et j'ai peur de croire que beaucoup de gens ne se soucient pas de ces privations - peut être que les choses changeront le jour où on se rendra compte que la technique mise en place sournoisement permet de restreindre à qui et combien de fois on peut prêter/échanger/lire les musiques, livres et autres formes d'expression, et que le jour où un écrit ne sera plus lisible car allant à contre-courant d'un quelconque gouvernement il y aura une certaine émotion, tardive -, non ce n'est même pas ça le plus douloureux.

Ce qui est vraiment pesant, insupportable, dramatique c'est que ces gens là sont ici pour l'ouverture d'un magasin, d'un magasin putain !

Je reste là, à regarder un moment, puis tourne la tête, dépité, et reprends ma route vers la bibliothèque, le moral en berne.

PS: pour être honnête, je me suis déjà rendu une fois à l'ouverture d'un magasin pour la sortie d'une console qui - pour le coup - apportait vraiment quelque chose de nouveau. Même si la scène était loin de ce que je viens de voir, avec le recul je trouve cela tout aussi navrant.

ange 14 years ago

Preums ! Je suis d'accord avec toi mais je laisse surtout ce commentaire pour faire coucou ;)